Mourir debout

Posted by on 27 Sep 2015 in Articles divers | 2 comments

mourir deboutOn voit passer sur la Toile, comme des comètes un peu folles, de magnifiques déclarations pleines de dignité et de courage, des phrases qu’on aimerait faire siennes… si elles n’étaient pas totalement vides de sens, décorélées de toute réalité.

Des mots faisant référence à la situation grecque, à la lutte contre les lobbies, à la nécessité de se révolter, de ne pas rester bras croisés à attendre que l’on décide à notre place…

Je suis Grec… Je suis Charlie…

Et, dernièrement : « Il est important de mourir debout »… Elle est pas belle, celle-là ? Fière et forte ? Ridicule ?

Mourir debout ? Vraiment ? Avachie devant sa télé ou son ordinateur, avec un frigo plein à quelques pas ? Qu’est-ce qu’on en sait, nous, les nantis, de ce que ça signifie « Mourir debout » ? D’abord, pour mourir debout, il faut quand même le faire, à moins d’être pendu ou ligoté sur un poteau d’exécution.

Oui oui, les nantis. Même au chômage, même au RSA, même avec un compte en banque qui crie famine et l’angoisse de ne pas pouvoir payer ses factures à la fin du mois. Même malheureux comme des pierres, seuls ou dans un couple qui bat de l’aile, avec nos frustrations nos souvenirs amers et nos peurs, nos doutes, nos avenirs racornis… Nous sommes des nantis, tous autant que nous sommes. Car tout est question de relativité, non ? Échangeons notre place contre le Syrien forcé à quitter un pays en guerre, aux mains des passeurs, enfermé dans les cales d’un bateau rejeté sur les côtes Européennes et qui, au choix, va épouser un poulpe au fond de la Méditerranée ou connaître les joies d’un camp de détention pour réfugiés.

Mourir debout ? Avec la sécu qui, même agonisante et vacillant sur son trou (d’ailleurs tiens, il est où le trou de la sécu ? On n’en parle plus ? Il est devenu trop gros pour être un trou ?) nous assure nos soins médicaux et nos médicaments, au moins les plus urgents ? Avec nos jolis papiers d’identité qui font de nous des citoyens en bonne ou au moins due forme ? Nos retraites même misérables, notre droit de grève, nos lois, nos services publics ?

Mourir debout ? Prenez la route, allez dans les camps de réfugiés, donnez-leur tout, temps, argent, colère, soutien… Et alors oui, peut-être, vous pourrez lancer ces mots ronflants et vides, ils auront un peu de substance. Mais par pitié, si comme moi vous avez trop à perdre pour le perdre, alors abstenez-vous ! Un peu de dignité ! Parce qu’avant de mourir – debout ou, plus probablement, allongés – il faudrait songer à vivre. Debout.


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2 Comments

  1. Je partage totalement ta vision, je me trouve particulièrement mauvaise dans l’engagement, bien confortable dans mes espadrilles, face à la Méditerrannée où crèvent tant de réfugiés… L’Europe n’est qu’un « machin » centré sur lui, ses petits problèmes de nantis… Honte et incapable de réagir… Je râle, je râle… et alors ??? 🙁

    • C’est clair… Râler c’est bon pour la santé, il paraît: on va mourir centenaires ! 🙂 Enfin, si on ne passe pas sous un camion avant (au diesel, bien sûr, le camion ! ^-^)

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