Agnès Boucher: l’artiste caméléon

Posted by on 15 Fév 2015 in Interviews | 0 comments

AgnesAujourd’hui, c’est au tour d’Agnès de passer à la moulinette Mpi ! 🙂

« Elle prend toute la place« , sa seconde œuvre aux Éditions HJ, sort demain… l’occasion de lever un coin de voile sur une « sacrée nana »!

Bonjour Agnès ! Entrons dans le vif du sujet!

1. Peux-tu te présenter en quelques lignes ? Évidemment, tu n’as pas le droit d’utiliser le mot « je »… 😉
Comment ça je n’ai pas le droit… ??? ^^ Bon, on va dire une chieuse, une emmerdeuse, une râleuse, une libertaire indécrottable, une individualiste forcenée, tout ça pour endiguer un fond de déprime réel, une non envie de vivre latente… le tout pétri de bonne éducation. Je suis assez caméléon, capable de me fondre dans un pince-fesses de rupins ou une tambouille de pauvres… Je peux prendre l’accent du seizième ou celui des Batignolles, j’assume ma double origine.^^ Je ne veux appartenir à aucune classe sociale, aucune ethnie, aucune religion, je fuis les groupes, les clans, les meutes… On continue quand même ?

Voui ! Même pas peur !

2. Tu es l’auteur de « Méfiez-vous des contrefaçons », un polar – et un bon, d’ailleurs, j’ai vraiment aimé ! Quelle est la genèse du roman ? L’idée de base, tu l’as eue comment ? Faits divers ? Observation de tes proches (j’espère que tu répondras non… ceux qui t’ont lue comprendront !) ? Imagination débridée ?
Pour l’histoire, la nébuleuse familiale m’a toujours intriguée, les scénarios de répétition d’une génération à une autre, les fratries qui s’entre-déchirent. Je viens d’une famille de dingues, de vrais tarés, tous plus barrés les uns que les autres. Je ne les vois plus, trop destructeurs, trop fous. J’écrirai peut-être un jour sur eux. J’ai essayé de rétablir les liens, de lancer des ponts, je me suis pris des râteaux somptueux, aujourd’hui c’est fini. Avec moi, quand je dis que c’est fini, c’est VRAIMENT fini, je ne reviens pas. À part ma mère, il n’y a plus personne, et pourtant, je peux te dire qu’il y a du monde… 🙁
La folie m’intéresse. J’ai longtemps été passionnée par la psychanalyse freudo-lacanienne que je mets au-dessus de toutes les approches thérapeutiques. À côté de Freud, Lacan et consorts, le reste, c’est du pipi de chat, de la parlotte. Ça peut aider, ça n’ira jamais aussi loin, c’est tout. Je sais, je peux paraître très abrupte en disant ça, mais quinze ans passés sur le divan, ça vous remue le tréfonds de l’âme, ça vous broie les méninges et les tripes, ça vous fout à poil et ça vous fait renaître. Bref, ça m’a sauvé la vie. Donc, ce n’est pas rien.A-Boucher - Méfiez-vous des contrefaçons (2)

3. Le personnage principal (féminin) de ton roman n’a pas… comment dire… un « caractère facile » ! Avoue : c’est un peu un transfert, non ?
Je crois que Victoire, c’est moi si je me lâchais et si je n’avais pas été super bien éduquée par mes parents. Elle se moque totalement de ce que l’on pense d’elle, ce en quoi je lui ressemble de plus en plus. Si je ne plais pas, je m’en fous dès lors que l’autre me laisse indifférente. De même, son empathie est à degré zéro, la mienne n’est pas plus élevée pour le commun des mortels, elle ne croît que pour les quelques rares que j’aime. Oui, là je suis beaucoup plus empathique que Victoire. Elle est honnête avec elle-même, elle ne ment pas. En vieillissant, je deviens de plus en plus « cash »… Ce n’est pas nécessairement bien vu, ni bien vécu par les autres. Je m’en fous, je n’ai plus le temps. J’ai beaucoup donné, pas tant reçu que ça, alors je deviens très élitiste, et je l’assume.

4. En dehors de la littérature, dis-nous un peu : qu’est-ce qui te fait vibrer ? Tu es plutôt macramé ou saut en parachute ?
Ni l’un ni l’autre. Je hais le sport sous toutes ses formes. Seul le tennis a trouvé grâce à mes yeux quand j’étais ado. Le golf me tente bien, mais c’est l’environnement snobinard qui me saoule. J’aimais bien le pratiquer en Angleterre, parce que c’était très bon enfant. Il y a la musique, classique quasi exclusivement, Beethoven avant tout, Mahler, Schubert, on va dire ce qui part de Haydn et Bach jusque Richard Strauss… Les quatre derniers leaders, j’en chialerai, l’Ode à la joie, je chiale, le finale de Don Giovanni, les derniers quatuors de Beethoven, les symphonies de Mahler, il n’y a rien au-dessus. J’adore découvrir de nouvelles œuvres, Chostakovitch, Couperin, bref, c’est très varié !
Le théâtre aussi, même si cela fait longtemps que je n’y suis pas allée. Et quand je dis théâtre, c’est le classique, le verbe, Racine, Tchékhov, Shakespeare… La fin de Vania…. Pffff, des frissons, les vers de Bérénice, une pure merveille, le Marchand de Venise… La musicalité de ces textes dépasse tout… dès que l’acteur et l’actrice sont bons, évidemment… Mais j’en lis aussi beaucoup, je m’avale régulièrement Racine, Musset, Sophocle, c’est mieux que la poésie, ça vit et ça vibre !
La peinture aussi, mais je n’y connais rien. Je marche à l’émotion, au regard, à la couleur de la palette… Klimt, évidemment, Rothko, De Staël, Corot, Dix, Schiele, Kokoschka, De Vinci, Raphaël,…
En fait, la musique, le théâtre, la peinture, c’est pour moi du pur registre émotionnel, il n’y a rien d’intellectuel là-dedans.

5. Comment as-tu démarré l’aventure EHJ ? Tu as vu de la lumière et tu es entrée ? Tu voulais commander un lot de Tupperware et tu as cliqué par erreur ?
Oserai-je te dire que je ne m’en souviens plus du tout… alors je me suis plongée dans le premier courriel envoyé, a priori, j’ai trouvé les EHJ sur Face de bouc… Et je n’ai jamais regretté ! Moi qui suis une individualiste solitaire crasse et maladive, j’en aime le côté soutien, équité et encouragement… Le fait qu’on ne se voit pas, qu’on n’échange que par courriel, groupe FB ou forum me va comme un gant. J’ai l’impression qu’on est tous très différents les uns des autres, je tutoie certains, pas d’autres, pourquoi, je n’en sais rien, et c’est très bien comme ça. C’est très pro, et en même temps très informel. Il y a des livres que je n’aime pas, d’autres au contraire dont j’attends la sortie avec impatience, et c’est bien cette multiplicité, on se complète tous les uns les autres.

6. Quel est le mot (ou les mots) qui revient le plus souvent sur tes lèvres ? Comme ça, spontanément ?
C’est une expression. Putain, fais chier (variante, font chier). Je l’ai déjà dit je suis une VRAIE râleuse et ça devient de pire en pire. J’ai toujours l’impression qu’on me bouffe mon espace… Je ne sais pas qui est « on », personne et tout le monde à la fois…

7. Le 16 février – soit dès lundi ! – ta seconde œuvre chez EHJ sera sur les starting-blocks ! 😉 Parle-nous un peu de ce roman… recueil de poésies… essai sur la philosophie à l’âge de pierre ?
Euh, rien de tout ça, simplement un recueil de nouvelles. Un genre totalement nouveau pour moi, un exercice de style, raconter des histoires pas trop longues ni trop courtes, ouvrant le champ des possibles sur la fin… ou pas… Des situations banales où j’ai distillé du fantastique, sans que cela ne devienne trop incroyable… Cela m’arrive fréquemment de me balader dans la rue et de me dire… Je rêve ou tout cela est bien réel ? Existons-nous vraiment ? Nous sommes six ou sept milliards, comment est-ce possible ? Nous sommes tous uniques et en même temps nous sommes chacun des chiures de mouche. Demain, nous allons mourir et tout continuera… On ne le saura pas et tout le monde va nous oublier… Ça me paraît complètement dingue !A-Boucher - Elle veut toute la place (2)

8. Si tu pouvais changer quelque chose chez toi, qu’est-ce que ce serait ?
Mettre un peu de douceur dans ma tête, un peu de patience, avouons-le, d’empathie. Le comble pour quelqu’un qui accompagne des gens au quotidien… 🙂

9. Et dans le monde ?
La paix, sans conteste. Supprimer l’envie, la colère, la rancœur, la peur de l’autre. Je ne comprends pas la haine. Je ne comprends pas qu’on veuille détruire le voisin parce qu’il est différent. Je veux qu’on me foute la paix et qu’on foute la paix à tout le monde.

10. Qu’est-ce que tu voulais faire quand tu étais petit(e) ?
Ce n’est pas original. Écrivain, depuis toujours. Et actrice de théâtre, pas « star » comme veulent les jeunes aujourd’hui. Je m’en foutais. Non, actrice pour vivre et faire vivre les textes.

11. Quel est ton rituel d’écriture ? Thé ? Chat sur les genoux ? Musique ou silence ? Gin, rhum dans le thé ? Cahier d’écolier, tablette numérique ? Drogue ? Chocolat ?
Je n’en ai pas vraiment. Je ne suis pas une vraie obsessionnelle, juste neurasthénique. ^-^ Je dois être au calme. Il y a souvent une réserve de thé ou de tisane. Quand j’écris, j’oublie le temps. Avant, il y avait de la musique. Aujourd’hui, je préfère le silence. Je me concentre sur l’écran et le clavier et je tape, je tape, je tape, je tape… Comme je bois trop de thé, parfois je me lève pour aller là où personne ne peut aller à ma place, mais je n’aime pas, parce que ça me coupe. C’est comme une espèce de transe…

12. Quel est le mot que tu détestes le plus au monde ?
Exclusion. Je déteste qu’on veuille séparer, exclure. Ça revient au droit à la différence de tout à l’heure. Je ne veux pas d’un monde uniforme où tout le monde se ressemble. C’est réducteur. Ça tue.

13. Je me suis laissée dire – mais je me laisse dire et faire beaucoup de choses, je l’avoue… – que « Elle veut toute la place » ne sera pas la seule œuvre que tu publieras en 2015…
En effet, je bosse d’arrache-pied sur un nouveau polar, totalement différent du précédent, même si on y retrouve au moins deux personnages, mais en second plan (et deux autres aussi, mais là carrément en cinquième plan, c’est plus pour le clin d’œil). Je suis à deux doigts de le déchirer tellement j’en ai assez de le relire, de le re-relire, de le re-re-relire, il me sort littéralement par les trous de nez !

14. Pour tenir le rythme, tu fais comment ? Tu possèdes un pauvre esclave enfermé dans ta cave, et qui prend des notes sous ta dictée ? Tu carbures à quoi ?
J’ai la chance d’écrire vite, d’être ma propre boss, et donc de gérer mon temps comme je l’entends. Le travail d’écriture, d’imagination, n’est pas compliqué, c’est après que ça se corse, comme dirait Napoléon. Le suivant, a priori à rendre à l’automne, il est déjà tracé, il faut que je le réécrive, et ensuite, je me tape les corrections. ÇA, ça me bouffe un sacré temps, parce que je ne suis jamais contente et que je suis perfectionniste, le genre à sodomiser les lépidoptères. Ce qui me bouffe, c’est que même avec tout ce travail, mon éditrice va trouver des tas de coquilles, d’erreurs, de doublons d’expression ou de mot, bref, ce que je ne supporte pas chez les autres auteurs.

15. Et pour finir : une question existentielle (j’aurais adoré l’inventer mais un autre m’en a volé l’idée… San Antonio, pour ceux qui n’ont pas reconnu !^^) : Que penses-tu de la rotation de la queue de la mouche en Afrique Centrale ?
Rien, je laisse les mouches faire ce qu’elles veulent de leur queue, je suis pour la liberté de vivre et de penser…
Dans le même genre, j’adore me débarrasser d’un voisin de table trop bavard en lui disant… Tu as lu le dernier Modes et Travaux ? Ils ont un petit modèle de caraco kaki à poil de caracul ravissant à tricoter… Je crois que je vais me laisser tenter… Pas toi ?… Généralement, il/elle me regarde avec des yeux de merlan frit, toussote négligemment, et se concentre sur son autre voisin de table ! Yes !

Je crois que je vais te piquer l’idée… 🙂

Merci Agnès et bonne route à « Elle veut toute la place » !


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