« Dear old Skibbereen » : une chanson de mort et de révolte

Posted by on 6 Oct 2013 in Livres parus | 0 comments

Outre les prologues et les épilogues, dont mes lecteurs assidus découvriront, au fil des tomes, les ressorts secrets – patience et longueur de temps, etc. ! ;-)– j’ai choisi pour chaque livre une chanson en préface, une chanson en phase avec l’histoire et l’époque du roman, sa « tonalité » en quelque sorte !

Bon, j’avoue que celle choisie pour le tome 1 n’est pas le summum de la joie de vivre et de la légèreté ! Mais, dans la mesure où l’action se passe durant l’un des plus grands drames humains du 19ème siècle, je ne pouvais pas vraiment choisir une chanson paillarde ! Il y aurait eu un … léger décalage 😉

Ainsi, en ouverture du 1er tome de Dia Linn, Terra Mahurr, j’ai choisi une chanson datant de 1915, attribuée à Patrick Carpenter. Ce poète, natif de Skibbereen, petite ville du sud de l’Irlande dans le comté de Cork, y parle de « notre » famine de la pomme de terre. Les paroles, en anglais et avec la traduction française, sont en préface de mon roman. C’est une chanson sous forme de dialogue, entre un père et son fils, le premier expliquant à l’autre pourquoi il a dû quitter son pays et l’emmener pour le sauver de la famine. Skibbereen a été l’une des villes les plus touchées par la Grande Famine de 1845-1848 : entre 8 et 10 000 victimes…

La chanson a été reprise et interprétée, entre autres, par Les Dubliners et Sinead O’Connor, chacun ses préférences ! Je vous livre ma version préférée.

Le texte est émouvant, simple, et il parle surtout de la rancœur d’un homme – d’un peuple – obligé de quitter sa terre pour survivre. On y retrouve les éléments qui ont fait de la Grande Famine la catastrophe que l’on connaît : des terres n’appartenant pas aux paysans mais louées aux cottiers, le plus souvent par l’intermédiaire de middlemen, des intermédiaires souvent peu scrupuleux qui se servaient au passage. Les propriétaires, des Anglais dans 98 % des cas, étaient des Absentee : des propriétaires absentéistes. Ils ne mettaient presque jamais les pieds sur leurs terres et se contentaient d’encaisser leurs fermages. Beaucoup de propriétaires ont également payé la traversée vers le Nouveau Monde à leurs cottiers: un moyen peu onéreux de récupérer les champs et de trouver d’autres paysans prêts à payer leur loyer.

Certains, pourtant, sont sortis du lot. On n’en parle pas beaucoup dans les romans, les études historiques et les biographies de l’époque et, certes, ils constituaient une exception mais il y en eu ! De grands propriétaires anglais se sont ruinés pour leurs cottiers, renonçant à toucher leurs loyers, les nourrissant gratuitement, faisant venir pour eux des denrées quasiment introuvables en ces périodes de pénurie. Une minorité qui a permis à quelques milliers de personnes de survivre… Malheureusement, l’exception a confirmé la règle : profiter de la crise sanitaire provoquée par le mildiou pour renouveler une main d’œuvre devenue un peu trop agitée.

Les Irlandais étaient déjà bien préparés pour la haine. N’oublions pas que, pour un Celte, aucune offense ne doit rester impunie ! Et les Sassanaghs – le doux surnom des oppresseurs – n’ont pas vu leur cote remonter après la Grande Famine… Dans cette chanson, avec des mots très simples, la rage de cet homme chassé de sa propre patrie pour sauver son dernier fils est palpable. La chanson se termine par un cri de révolte, un désir de vengeance qui mettra bien du temps avant de s’exprimer mais qui ne s’éteindra pas.

Mais ceci est une autre histoire…

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