Dans le tome 3 de Dia Linn, Díoltas, Wyatt prend place dans un convoi de pionniers, de la Louisiane jusqu’au territoire du Montana.
Nous sommes au milieu du 19ème siècle, juste avant la guerre de Sécession.
Wyatt arpente des territoires presque sauvages, très peu peuplés, qui étaient les terres des Kiowas, Cheyennes, Sioux, Comanches, Apaches, Cherokees… À cette époque, beaucoup de nations indiennes sont déjà à genoux : beaucoup se sont entassées dans les réserves où elles crèvent de faim ; les Comanches sont en guerre contre l’armée au Texas ; et de nombreuses nations indiennes ont été effacées de la surface de la Terre, anéanties par les épidémies apportées par les Blancs.
Les grands territoires du nord-ouest, vers la frontière canadienne, sont les dernières enclaves de liberté pour les Cheyenne, les Arapahos et les Sioux : le traité de Fort Laramie, en 1851, leur assure la propriété des Black Hills, qui constituent les terres sacrées de leurs ancêtres.
Lorsque les Blancs y découvrent de l’or, cette enclave est rapidement envahie de convois et de soldats, c’en est fini de l’espoir de pouvoir vivre en paix : c’est la ruée vers l’or de Pikes Peak, en 1859.
Les envahisseurs grignotent, miles après miles, rives après rives, les terres des Natifs : cherchant de nouvelles terres à exploiter, avides d’aller rechercher l’or mythique et le rêve du Bonanza – le filon miraculeux – les pionniers repoussent les Indiens de plus en plus loin. Ils ouvrent des voies dans les déserts et dans les montagnes, chassent les bisons…
Inexorablement, les Natifs plient devant le nombre de leurs envahisseurs. En me plongeant dans leur histoire, la tentation était grande de céder à la facilité : le « bon Indien » face au « méchant Blanc »… Lorsqu’on étudie la destinée d’un peuple anéanti, écrasé par une race supérieure en nombre et en armes, comment faire autrement ? Les Blancs ont multiplié les mensonges, les traités qu’ils se sont empressés de trahir et les massacres impardonnables. Les couvertures infestées par la variole du général Amherst éradiquant les Delaware …. La piste des larmes, lorsque le gouvernement oblige des nations entières – notamment les Cherokees – à quitter leurs terres pour les céder aux Blancs… 4 000 morts parmi les exilés, de faim, de froid, de maladie: Nunna daul Isunyi, en cherokee « la piste où ils ont pleuré ».
Oui, il est difficile de ne pas prendre fait et cause, le cœur lourd, pour les victimes ! Mais je ne voulais pas d’icônes. Je me suis obligée à refouler l’indignation, la colère et la pitié pour approcher, du moins autant que je le pouvais, la vérité.
Beaucoup ont des esclaves, des Noirs qu’ils achètent ou troquent, des Blancs qu’ils kidnappent, ou des Indiens de tribus ennemies. Ils sont aussi particulièrement cruels lorsque l’adversaire tombe entre leurs mains – yeux crevées, membres arrachés, ils n’ont rien à apprendre des Blancs à ce niveau ! Ni saints ni démons, mais des hommes qui se battent avec courage et préfèrent souvent le beau geste à la victoire.
Plus ou moins belliqueux, chaque nation a ses propres traditions, son langage, ses territoires de chasse … Et, depuis des siècles, avant l’arrivée des Blancs, ils se livrent des guerres sans merci.
Certains sont de pacifiques cultivateurs, d’autres des guerriers et des chasseurs. Les Choctaws vivent dans des huttes de terre cuite et cultivent du maïs ; les Cherokees dans des maisons rectangulaires, vastes et aérées, faites de bois et de pierre. Qu’est-ce que toutes ces tribus ont donc en commun ?
Il existe des constantes : le même lien, puissant et indéfectible, qui les lie à la Terre, à la Nature. Les Indiens se considèrent avant tout comme des hôtes, respectueux, du monde qui les nourrit. « La Terre n’appartient pas à l’homme, c’est l’homme qui appartient à la Terre » (chef Seattle). D’où l’incompréhension, voire l’ahurissement, des Indiens devant les pratiques des Blancs…
J’ai également été frappée par un élément essentiel de la culture indienne au sens large : l’individualisme.
Les liens familiaux sont très forts, les clans se forment sous l’égide des chefs… mais qui ne ressemblent en rien à nos leaders européens. Les chefs indiens n’ont aucun pouvoir décisionnaire : ce sont des guides, que chacun est libre de suivre… ou non. Il y a un chef de guerre, et un chef spirituel, leur chaman : ils sont choisis selon l’influence qu’ils ont parmi leur peuple, les exploits qu’ils ont accomplis. Ils sont les porte-paroles de leur clan, leurs conseillers. Mais ils ne donnent pas d’ordre.
Cet individualisme chevillé au corps a été l’une de leur plus grande faiblesse. Lors des combats, les guerriers suivent les directives de leur chef… s’ils en ont envie ; ou bien ils improvisent selon l’inspiration du moment : de belles pagailles sur les champs de bataille !
Une autre constante : leur conception de la mort.
Excellents cavaliers, tireurs hors pair, la plupart du temps d’une grande témérité – car ils placent la bravoure au combat au panthéon des qualités les plus prisées –, les Indiens ont une conception de la vie et de la mort très proche de celle des bouddhistes : ce ne sont que deux faces d’une même médaille, l’une et l’autre se succédant sans grande différence. Les morts sont aussi présents que les vivants, arpentant les territoires ancestraux aux côtés de leurs descendants. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui motive le refus des Cheyennes de céder leurs collines des Black Hills, la terre de leurs aïeux… Pour elles, ils vont livrer la célèbre bataille de Little Big Horn . Mais ceci est une autre histoire… dans le T4 de Dia Linn ! 🙂
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