Les racines du mal

Posted by on 19 Oct 2014 in Livres parus | 0 comments

Dia Linn«Si les Irlandais découvrent que, dans certaines circonstances, ils peuvent obtenir du gouvernement des subventions ou des allocations, alors nous aurons un système de mendicité tel que le monde n’en a jamais connu».

Octobre 1848. Eileen et Wyatt, dans le tome 1 de Dia Linn, Terra Mahurr, s’apprêtent à quitter l’Irlande pour fuir la Grande Famine, et découvrent dans un journal cette déclaration de Lord Trevelyan, secrétaire d’état au Trésor britannique. Elle  fait l’effet d’une bombe.

Les Irlandais n’oublieront pas de sitôt la réponse des Anglais à leurs appels à l’aide : le pays est ravagé par la plus terrible des famines, celle déclenchée par le mildiou infectant les pommes de terre. C’était alors la seule et unique culture autorisée par le gouvernement anglais pour les petits cottiers, les paysans qui cultivaient les terres des grands landlords.

À cette époque, les Irlandais étaient à forte majorité des catholiques. Ceux-ci ne pouvaient pas posséder la terre – ils ne pouvaient pas non plus voter, ni tenir des emplois officiels, ni porter des armes… Ils louaient donc de petites parcelles, et se contentaient de la pomme de terre comme moyen de subsistance.

Lorsque le mildiou s’attaqua aux plants, la Grande Famine provoqua environ un million de morts, et un million de départs en exil. La diaspora ne devait pas s’arrêter de sitôt : en 1845, huit millions d’Irlandais peuplaient l’île d’émeraude. En 1851, ils n’étaient plus que trois millions.

L’Europe s’émeut… de loin. L’Amérique accueille des hordes d’immigrants affamés qui descendent des cales des navires-cercueils et, après une mise en quarantaine, envahissent New York, puis le reste du pays.

Aux protestations vaguement indignées des dirigeants du monde, le secrétaire d’État au Trésor anglais répond : non, nous n’ouvrirons pas les greniers à blé, scellés et pleins à craquer, qui attendent d’être envoyés dans le monde pour le plus grand bénéfice des Britanniques. Il ne faut pas que les Irlandais s’habituent à être soutenus, aidés, par ces mêmes personnes qui ont provoqué la crise.

J’ai déjà évoqué la difficulté, pour un auteur qui se penche sur des faits historiques, de rester neutre. J’en ai parlé pour les Indiens, c’est aussi vrai pour les Irlandais. Mais, de manière plus large, cette crainte de Lord Trevelyan de donner naissance à des générations d’assistés a d’étranges échos dans notre monde moderne. D’autres déclarations, beaucoup plus récentes, comme un rappel amer de certaines réalités.

Refuser de porter assistance à ceux qui en ont besoin, quelles que soient les causes de ce besoin, cela peut-il être une bonne action ?
Si l’on se réfère à la situation de l’Irlande, il est évident que ce refus – cette absence d’humanité – n’a guère eu les résultats escomptés. Si Lord Trevelyan espérait qu’en ne donnant rien, il obligerait les Irlandais à crever en silence, c’était raté.

Les racines du mal, celui qui a gangrené les rapports anglo-irlandais depuis le début du 15ème siècle, sont bel et bien là : le mépris. Certes, les Irlandais ne sont pas devenus des assistés. Ils ont pris les armes, sept décennies plus tard, pour mener la révolution. Ils ont créé une milice, une toute petite armée au vu des forces anglaises, équipée de bric et de broc, et ils se sont donnés un nom d’Irlandais libres : Irish Republican Army, l’I.R.A.

Parce que le mépris n’engendre jamais la paix. Seulement la haine.


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